Une petite ville de la Loire, Saint-Chamond, est encore aujourd'hui profondément marquée par le souvenir d'un homme qui
en fut maire pendant 45 ans, de 1929 à 1977 : Antoine Pinay.
Né le 31/12/1891 à Saint-Symphorien-sur-Coise (Rhône), Antoine Pinay est élève au collège des Pères maristes, avant de
faire à 23 ans la dure école de la guerre de 1914 durant laquelle il est blessé. La paix le ramène dans la petite
entreprise industrielle familiale où il montre ses qualités de gestionnaire : travailleur, honnête, économe, social,
pragmatique, rebelle à toute idéologie sectaire et à toute démagogie.
Non diplômé, il possède un solide bon sens et une grande rigueur. Il est homme d'écoute, de concertation. Par des
dialogues soutenus, il montre son esprit de justice et sa fermeté. Sa probité exemplaire l'amène à toujours considérer ses
actions sous l'angle de l'équité.
D'abord il ne voudra pas se lancer dans la politique et c'est à son corps défendant "qu'on le fera" candidat et qu'il
sera élu sans faire campagne. Il ne cessera de critiquer la soif du pouvoir des politiques et leur carriérisme.
Au plus hautes fonctions de l'état, c'est en homme de bon sens qu'il gère l'entreprise "France", par l'équilibre du
budget, par l'épargne, par l'esprit d'économie dont il donne l'exemple en constituant un ministère de 17 Ministres alors
que certains ont dépassé les 50 !
Antoine Pinay décède le 13/12/1994. Mieux qu'une popularité, Antoine Pinay s'est forgé une légende auprès de nombreux
Français. Son auréole de sage, son ascendant et son prestige seront tels que les hommes politiques de tous bords viendront
faire appel au bon sens, au conseil et à l'expérience de l'ermite de Saint-Chamond, durant les 30 dernières années jusqu'à
la fin de sa longue vie (103 ans !). Pour avoir ramené la confiance économique et vaincu l'inflation, en un temps où elle
était une obsession, "l'homme au chapeau rond" est entré dans le cercle étroit des hommes politiques porteurs d'un mythe.
Le 27 décembre 1958, une ordonnance prévoit : "A compter d'une date qui sera fixée par décret, et au plus tard le 1er
janvier 1960, il sera créé une nouvelle unité monétaire française dont la valeur sera égale à cent francs". C'est la
naissance du nouveau franc ou franc lourd, frappé à l'effigie de la Semeuse d'avant 1914.
En un temps ou l'euro a remplacé le franc et le nouveau franc au terme d'une existence de 641 ans, il faut savoir que
cet événement a été capital pour le redressement économique national, et ce dans le cadre d'une vaste réforme menée par le
ministre des Finances de l'époque, un dénommé Antoine Pinay (en collaboration avec Jacques Rueff Président du Comité
d’experts pour le plan de redressement économique).
Le 16 avril 1959, Antoine Pinay présente la pièce de 5 francs (en argent au départ puis en cupro-nickel à partir de 1970)
frappée pour la première fois sur les énormes presses à monnaie.
Son élection à la mairie de Saint-Chamond est le point de départ de la carrière politique d'Antoine Pinay qui
prend une envergure nationale en 1936 quand il est élu député de la Loire de l'Alliance démocratique (droite modérée), puis sénateur
de 1938 à 1940.
En 1940, il vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Il fait partie du Conseil National de Vichy, mais en 1944,
"sentant le vent tourner", il rejoint les rangs de la Résistance. A la libération, il est dans un premier temps déclaré
inéligible pour son attitude pendant la guerre. Mais l'inéligibilité est levée en 1945 et il est élu en 1946 (CNIP droite
libérale) à la deuxième Assemblée constituante. A nouveau député de 1946 à 1958, il entre au gouvernement comme secrétaire
d'Etat en 1948 et est ministre des Travaux publics en 1950.
Suite à l'instabilité et aux troubles apportés par les institutions bancales de la IVe république (en 12 ans, 23
gouvernements de 1 jour à 16 mois !), et alors qu'il est inconnu du grand public, Vincent Auriol lui propose de former un
nouveau gouvernement le 8 mars 1952. Il cumule alors les fonctions de président du Conseil et de ministre des Finances et
des Affaires économiques. Antoine Pinay est le premier homme de droite (modérée) qui revient au pouvoir depuis 1945 mais
c'est aussi le premier qui s'était compromis avec Vichy.
Par son célèbre emprunt national, indexé sur l'or pour rassurer les Français moyens inquiets de l'inflation, il contribue
à redresser l'économie et s'attire la sympathie de l'opinion publique. C'est le "miracle Pinay". L'inflation va en effet
baisser mais malgré ce succès Antoine Pinay ne peut faire face aux adversaires de sa politique sociale trop dure pour les
salariés et son gouvernement est renversé en décembre 1952.
En février 1955, il accepte le portefeuille des Affaires étrangères dans le gouvernement d'Edgar Faure. Il permet
l'indépendance du Maroc et ouvre la voie à l'autonomie de la Tunisie. Nommé à nouveau ministre des Finances en juin 1958 par
le général de Gaulle, il mène la réforme monétaire en lançant un 2ème emprunt national et en instituant le nouveau franc.
Son libéralisme économique et son attachement à l'Algérie française le mettant en désaccord avec le gouvernement, il
démissionne en janvier 1960 et abandonne toute activité politique nationale.
Mais sa carrière politique n'est pas terminée car il devient ensuite le premier Médiateur de la République (aide aux
personnes qui contestent, en vain, une décision ou un comportement de l'administration française), nommé le 30 janvier
1973 par le Président Georges Pompidou. En mai 1974, il démissionne pour pouvoir apporter son soutien à Valéry Giscard
d'Estaing, alors candidat à la présidence de la République.