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La réforme des noms de famille

Loi n°2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille (JO du 5 mars 2002)

Réclamée depuis 1978 par le Conseil de l'Europe, la réforme du nom de famille bouleverse le modèle du patronyme qui existait en France depuis le XIIe siècle (la loi du 6 fructidor An II). Le sacro-saint principe d'immuabilité du nom patronymique est remis en cause. Une véritable révolution, car c'est tout un symbole de l'identité et de la filiation qui est en jeu. La France était l'un des derniers pays d'Europe, avec la Belgique et l'Italie, à imposer le patronyme aux enfants issus de couples mariés. C’est le grand retour du "nom de famille" qui se substitue désormais au "patronyme".
Ce changement repose sur trois principes : la liberté de choix des parents, l'égalité des sexes et l'unité de la fratrie.

Les règles à connaître

Depuis le 01/01/2005, les parents peuvent choisir de donner à leurs enfants, soit le nom du père, soit celui de la mère, soit les deux noms accolés dans l'ordre souhaité. Quatre options s'offrent à eux pour choisir un nom de famille qui s'imposera ensuite à tous les enfants suivants. En l'absence de déclaration, c'est l'ancien principe qui s'applique, avec transmission du seul nom du père (ou de la mère lorsque celle-ci l'a reconnu en premier). Les deux noms sont associés par deux tirets, une particularité typographique aux allures d'alphabet morse, destinée à distinguer les noms composés insécables (du type Granger-Thomas), des doubles noms de famille (comme Dupont--Durand).

Deux règles importantes gouvernent cette réforme :
  • l'irréversibilité du choix du nom : la faculté de choix de nom ouverte aux parents ne peut être exercée qu'une seule fois,
  • l'unicité de la fratrie : les enfants nés du même père et de la même mère doivent porter le même nom.
  • A sa majorité et avant la déclaration de naissance de son premier enfant, l’enfant majeur pourra accoler à son nom, en seconde position, le nom de son autre parent, dans la limite d'un seul nom.

    14 possibilités en 2ème génération

    Là où la loi se proposait simplement d'élargir le choix, elle corse singulièrement la démarche pour la 2ème génération des enfants affublés de double nom. Pour éviter un allongement de la longueur des noms à chaque génération, le législateur a prévu que le nom qui pourra être transmis sera limité à deux vocables issus de l’un ou des deux doubles noms, ce qui laisse quand même 14 possibilités. Imaginez...

    Les époux Dupont--Durand et Duchêne--Dubois ont un enfant. L'accolement de leurs doubles noms respectifs n’étant pas possible, ni l'interversion des vocables de chacun, comment l’appeler ? Dupont, Dupont--Durand, Dupont--Duchêne, Dupont--Dubois, Durand, Durand--Duchêne, Durand--Dubois, Duchêne, Duchêne--Dubois, Duchêne--Dupont, Duchêne--Durand, Dubois, Dubois--Dupont, Dubois--Durand.

    Ainsi, le double nom est divisible. A l'inverse, les noms de famille composés, qu’ils soient séparés par un tiret, un espace, une particule… sont uniques et insécables. Si Brice Granger-Thomas épouse Catherine Destac, leurs enfants pourront porter le nom Granger-Thomas--Destac.

    Les effets secondaires

    Reste à savoir quelle sera l'appropriation de cette nouvelle loi. Quid de la complication des recherches généalogiques dont celles des notaires en quête d'héritiers dans les successions difficiles ? Quid des psychanalystes et des sociologues qui dénoncent une loi empêchant de s'inscrire dans une histoire familiale longue ? Quid du nombre de caractères sur les papiers d'identité, cartes bancaires ou en informatique ?

    Il convient peut-être d'accepter que la transmission du nom s'adapte aux évolutions de la famille et soit le reflet d'une époque et de ses valeurs. Une large proportion de français (78%) voit cette mesure conforme aux mutations de la famille (exemple : pour les familles recomposées autour de la mère, un moyen de créer un nom partagé commun aux demi-frères et demi-sœurs du côté maternel).

    En application de cette loi, s'il avait porté le nom de sa mère, un certain Napoléon Bonaparte aurait pu s’appeler Napoléon Ramolino...

    Une loi rectificative en 2013  

    Cette réforme de 2002 a créé des polémiques car elle ignore le déséquilibre des liens unissant l'enfant à ses deux parents, qui peut apparaître en cas de divorce. En effet, si la garde de l'enfant revient à la mère, l'enfant ne conserve souvent qu'un seul lien avec son père : son nom.

    Une nouvelle règle établie par Christiane Taubira, loi nº2013-404 du 17 mai 2013, vient donc "adoucir" les règles d'attribution des noms de famille, sans autre modification du dispositif. Désormais, en cas de désaccord entre les parents, l'enfant portera les noms des deux parents accolés par ordre alphabétique, au lieu du seul nom du père.

    Cette nouvelle règle permet également de répondre à une observation adoptée le 8 avril 2008 par le comité des Nations Unies qui avait jugé "discriminatoires" à l'égard des femmes, les règles d'attribution des noms de famille en vigueur en France.

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